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Les Fous de Bassan , d’Anne Hébert

 

 

 

Bonjour à tous,

 

 

 

J’ai choisi cette écrivaine québécoise, un peu oubliée je l’avoue à cause du flot incessant des nouveaux auteurs, mais surtout à cause de son grand talent de conteuse. N’a-t-elle pas obtenu plusieurs récompenses pour ses œuvres, dont voici quelques exemples1 :

 

  • Les chambres de bois, Prix France-Canada 1958

  • Kamouraska, prix des Libraires 1971

  • L’Enfant chargé de songes, prix du gouverneur général 1992

  • Un habit de lumières, roman prix France-Québec 1999

 

 

 

Le récit se situe à Griffin Creek, village au nom fictif, d’une région gaspésienne, me semble-t-il, un endroit où la péninsule se confond avec l’océan Atlantique. L’histoire est passée via les écrits de cinq personnages en six sections, la sixième de Stevens Brown se veut conclusive.

 

Ce Stevens revient au village après une absence de cinq ans à l’extérieur, celui-ci devient graduellement l’épicentre d’une tragédie où meurent deux jeunes filles de G. Creek.

 

J’aperçois trois forces, lesquelles décrivent le talent énorme de cette écrivaine un peu trop oubliée; les voici avec des exemples.

 

 

 

Un style d’écriture vif et concis — En page 106, 135 & 192 :

 

«Je me baigne dans les lueurs orange de la lune qui monte au ciel, gonflée comme un fruit mûr, plein de rayons.»

 

«Lorsque nous sortirons de chez Maureen, Olivia et moi, la lune sera sans doute haute, toute blanche, répandue à grands traits sur la mer comme un soleil de nuit, pâle et laiteux.»

 

La campagne alentour, en apparence morte, en réalité attentive comme un chat qui guette une souris. Encore un peu et le secret de mon frère Stevens va s’échapper de lui et trottiner devant nous, sur ses petites pattes de souris, dans le silence intolérable.»

 

 

 

Une manière de décrire poétique et très imagée — En page 101,220, 238

 

«Un brouillard à couper au couteau. Ma tant Irène en a profité pour se pendre dans la grange, derrière le presbytère. Cette femme n’a jamais eu l’air vivante, sa vraie nature étant d’être incolore et sans saveur, déjà morte depuis sa naissance.»

 

«Que Stevens se montre une fois encore… qu’il me regarde surtout, que je sois regardée par lui, la lumière pâle de ses yeux m’éclairant toute, de la tête aux pieds.»

 

«Le fou de Bassan modère soudain sa vitesse, ferme à moitié ses ailes, se laisse tomber, tête première, comme une flèche à la verticale. Ne ferme ses ailes qu’au moment de toucher l’eau, faisant gicler dans l’air un nuage d’écume.»

 

 

 

 

 

Un don à rendre les scènes poignantes, sachant bien relié le réel avec l’irréel — En page 149,218 et 225

 

«Personne ne s’assoit et elle n’invite personne à s’asseoir. Elle-même debout, au milieu de la pièce, les bras le long du corps. Toutes ses forces rassemblées pour s’empêcher de tomber. Vacillante dans son immobilité même. Un rien pourrait la faire s’écrouler à terre. Une respiration trop profonde. Un cheveu qui bouge.» (Lorsque Maureen, cette elle, apprend que deux adolescentes sont disparues, le village est en choc, réuni chez elle)

 

«Une certaine distance serait nécessaire entre moi et Griffin Creek, entre mes souvenirs terrestres et mon éternité d’anémone de mer. Que la houle et les courants me portent plus loin que la ligne d’horizon.»

 

«Ayant acquis le droit d’habiter le plus creux de l’océan, son obscurité absolue, ayant payé mon poids de chair et d’os aux féroces poissons lumineux, goutte de nuit dans la nuit, ni lune ni soleil ne peuvent plus m’atteindre.»

 

 

 

En guise de conclusion, voici un commentaire de Saphoo, internaute sur le site de Babelio, article du 25 Novembre 2017; lien suivant :

 

https://www.babelio.com/livres/Hebert-Les-fous-de-Bassan/21427

 

«Quel étrange roman, à la fois original dans sa construction, déroutant mais tellement bien écrit.
Une histoire qui se tisse de par les différents personnages laissant des brides d'indice, bien que très vite, on se fait déjà son propre film.
D'un fait grave, l'auteur aurait pu faire un roman noir, classique, mais là, elle nous offre un roman choral, très surprenant, dans un climat de tempête, de vent, des forces de la mer, de la rage des éléments qui ont sans doute rendu fou le meurtrier.
C'est à la fois très beau dans le style et l'originalité, et à la fois très violent, noir et puissant dans les faits.
je dois dire que le début m'a semblé quelque peu étrange mais au fur et à mesure de ma lecture j'ai pu deviner le chemin que l'auteur nous dessine. Et là, j'ai hâte d'y courir au plus vite pour arriver au bout.
Un roman qui marque et qui restera une référence dans le genre.»

 

 

 

1Tout extrait de la partie bibliographie en : Les fous de Bassan, Éditions du seuil, septembre 1982

 

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 Il y a aussi la reprise du classique de Pierre Bordage «Les guerriers du Silence»; cycle 1 seulement que j’ai lu, laquelle a été remouler à la manière de P. Ogaki pour faire une série de quatre tomes. Hélas, le rythme est à mon avis trop rapide, mais comme l’œuvre de Bordage contenait plus de 1800 pages… y’a pas le choix de défilé à vitesse… grand V. Un formidable effort de synthèse a été fait, je l’accorde.

Le seul point un peu faible est qu’on a surexploité les séquences d’actions, à la mode hollywoodienne, alors qu’à mon avis, les auteurs auraient pu rehausser via les dialogues le côté résolument philosophique du roman; ce qui m’a frappé entre autres est ces deux points à :

 

  • Des dérives d’une religion totalitaire associée à un régime politique mégalomane et assoiffé tellement de contraindre les divergents; ça ressemble étrangement au style de pensée unique que les médias et gouvernements nous proposent depuis le début de la crise du Covid-19 de la depuis mars 2020…

  • Secundo, du rôle important que peut jouer une personne ordinaire, en l’occurrence Tixy Otty, héros majeur des «Guerriers du Silence1», homme à la vie morne, qui noie son ennui dans l’alcool, l’indifférence à soi-même et aux autres, se complaisant en une existence médiocre. Celui-ci devient graduellement un héros extraordinaire, pas dû à ces mérites seuls, mais surtout en s’entourant d’une équipe avec lui, et grâce à l’appui de sa partenaire de vie.

 

Bref, que vous lisiez le roman ou les BD, chaque version d’un ou des récits vous apportera de beaux moments de plaisir et de réflexion.

 

 

 

Cordialement, El Griffon