Eric-Emmanuel Schmitt.partdeAutre

Ceci est ma dernière biographie de l’année; une sur un Adolph Hitler. En fait, le récit parle de la vie de deux A.H. fictifs; un assez proche du vrai de l’histoire et un autre plus près du modèle occidental de l’homme type. Pour faire différent, je ne commenterais que la partie finale de l’œuvre le « Journal. » Mentionnant cinq perspectives laquelle synthétisera j’espère les éléments clefs du roman.

Ce roman est unique en son genre, alliant un style intelligent avec un humour déconcertant et truffés de réflexions dérangeantes. De plus, le rythme est assez vif, laissant peu de place pour la monotonie, bourrés de retournements inattendus, parfois surprenants, j’en recommande chaleureusement la lecture. Toutes mes citations sont de; d’Éric-Emmanuel Schmitt, La Part de l’autre, éditions Albin Michel

1.      Le point de vue de l’angélisme (définition du dictionnaire Larousse= Désir de pureté extrême et refus d’admettre certaines réalités charnelles, sociales, matérielles) :

Ø  Aujourd’hui, les hommes caricaturent Hitler pour se disculper eux-mêmes…Tous leurs discours reviennent à crier « ce n’est pas moi, il est fou, il a le génie du mal, il est pervers, bref, il n’a aucun rapport avec moi ». Dangereuse naïveté. Angélisme suspect.                           Page 477

 

2. La perspective de comprendre l’autre, aussi différent soit-il…même son ennemi :

Ø  L’erreur que l’on commet avec Hitler vient de ce qu’on le prend pour un individu exceptionnel, un monstre hors norme, un barbare sans équivalent. Or, c’est un être banal. Banal comme le mal. Banal comme toi et moi.                                                                                           Page 477

Ø  Hitler est à la fois à l’extérieur et à l’intérieur de moi. À l’extérieur, dans un passé accompli, dont il ne reste que des cendres et des témoignages. À l’intérieur, car c’est un homme, un de mes possibles, et je dois pouvoir l’appréhender.                       Page 479                    

3.      Le point de vue de l’ambiguïté; ancrés en la nature humaine et en les notions de plusieurs cultures du monde, par exemple le Yin et le Yan.

Ø  Décidément, plus j’avance, plus je découvre que tous les discours sont mus par cette même invisible idée : Hitler est l’autre.                          Page 481-482

3b. Aussi, l’auteur va à contre-courant du courant de pensée dominant en affirmant avec culot, avec audace ceci :

Ø  Mon livre sera un piège tendu à cette idée. En montrant qu’Hitler aurait pu devenir autre qu’il ne fut, je ferai sentir à chaque lecteur qu’il pourrait devenir Hitler.                             Page 482

 

4.      La perspective de la Haine; laquelle en vient à posséder un homme et è le déposséder Au fil des ans de de tout ce qu’il est, le divorcer ultimement de son humanité. Cela décrit l’Adolf H. de l’histoire, un homme piégé par l’interprétation du passé, ses inhibitions, ses frustrations, et même par ses idéaux de grandeur.

 

Ø  « La haine lui avait procuré le don de l’éloquence. » Ainsi finis la deuxième partie. Voilà, Hitler est né. Né de la guerre. Né du dépit. Né de l’humiliation. Né de la haine. Et prêt pour la vengeance…Il n’a que le talent de la haine. Mais il en a tout le talent.                 Page 491

 

5.      Le point de vue de l’Amour (laquelle a toujours été et restera l’unique contrepoids, le remède par excellence à la haine). La force de l’amour est celle qui construit, répare, ranime et crée un espace autour de soi ou tout redevient possible, malgré et en dépit de tout. J`identifie cette force comme le facteur décisif pour créer un quelqu’un (nommé le Adolf H ou autrement…) vers la maturité de l’être, rendu capable de tisser des liens affectives, vrai avec l’Autre :

 

Ø  Onze-heures-trente s’est éteinte. (nom inusité pour un personnage, laquelle est l’épouse du Hitler correct).Elle a appris l’amour à Adolf. Elle va lui apprendre le deuil. On ne devient un homme qu’à ce prix douloureux.

Page 493

6.      Le mot final de l’auteur en ce roman qui est également un essai visant à incarner une personne en deux biographies, chacune située à l’antipode l’une de l’autre; soi :

 

Ø  Adolf H. cherche à comprendre tandis que le véritable Hitler s’ignore. Adolf H. affronte la réalité tandis qu’Hitler la nie dès qu’elle contrarie ses désirs. Adolf H. apprend l’humilité tandis qu’Hitler devient le Führer, un dieu vivant. Adolf H. s’ouvre au monde; Hitler le détruit pour le refaire.                     Page 501

 

 

 

Écrire commentaire

Commentaires: 0

 Il y a aussi la reprise du classique de Pierre Bordage «Les guerriers du Silence»; cycle 1 seulement que j’ai lu, laquelle a été remouler à la manière de P. Ogaki pour faire une série de quatre tomes. Hélas, le rythme est à mon avis trop rapide, mais comme l’œuvre de Bordage contenait plus de 1800 pages… y’a pas le choix de défilé à vitesse… grand V. Un formidable effort de synthèse a été fait, je l’accorde.

Le seul point un peu faible est qu’on a surexploité les séquences d’actions, à la mode hollywoodienne, alors qu’à mon avis, les auteurs auraient pu rehausser via les dialogues le côté résolument philosophique du roman; ce qui m’a frappé entre autres est ces deux points à :

 

  • Des dérives d’une religion totalitaire associée à un régime politique mégalomane et assoiffé tellement de contraindre les divergents; ça ressemble étrangement au style de pensée unique que les médias et gouvernements nous proposent depuis le début de la crise du Covid-19 de la depuis mars 2020…

  • Secundo, du rôle important que peut jouer une personne ordinaire, en l’occurrence Tixy Otty, héros majeur des «Guerriers du Silence1», homme à la vie morne, qui noie son ennui dans l’alcool, l’indifférence à soi-même et aux autres, se complaisant en une existence médiocre. Celui-ci devient graduellement un héros extraordinaire, pas dû à ces mérites seuls, mais surtout en s’entourant d’une équipe avec lui, et grâce à l’appui de sa partenaire de vie.

 

Bref, que vous lisiez le roman ou les BD, chaque version d’un ou des récits vous apportera de beaux moments de plaisir et de réflexion.

 

 

 

Cordialement, El Griffon